Nicolas Archambault : "Un bon danseur peut tout danser. C'est ce qu'on cherche dans You Can Dance"
La danse à la télévision a le vent en poupe ! Après La Meilleure danse en septembre, You Can Dance fait son arrivée sur NT1 dès le jeudi 16 février, à 20h45.
You Can Can est l'adaptation du format So You Think You Can Dance un énorme carton depuis plusieurs saisons en Amérique du Nord. Le principe ? Auditionner des danseurs et des danseuses de tous horizons, et les tester sur tous styles de danse, du contemporain à la salsa, du hip hop au néo-classique.
L'émission se passe en trois étapes. La première, les auditions. Chaque candidat-e présente une variation libre. Une soixantaine de personnes sont retenus-es. La deuxième, l'atelier. Pendant deux jours, les participant-e-s travaillent en groupe, et apprennent des chorégraphies de tous styles.
La troisième étape, les prime. Les 16 candidat-e-s retenu-e-s sont réparti-e-s en duo. Chaque semaine, ils devront présenter, en direct et en public, deux chorégraphies dans un style imposé. Le public doit alors voter pour sauver ses préféré-e-s. Les participant-e-s en ballotage doivent présenter une variation en solo, dans le style de leur choix, et le jury choisira qui il veut sauver. Jusqu'à ce, qu'au fil des semaines, il n'en reste plus qu'un-e, le ou la grand-e gagnant-e, qui remportera 30.000 euros.
Ce premier You Can Dance sera présenté par Benjamin Castaldi. Le jury sera composé de Kamel Ouali, Julie Ferrier et Nicolas Archambault, avec quelques personnalités en plus selon les épreuves.
Danses avec la plume est allé rencontrer Nicolas Archambault. Ce québécois de 27 ans connaît bien le programme, puisqu'il a gagné la version canadienne en 2008, avant d'en devenir chorégraphe, puis juré.
Vous avez déjà sélectionné les 16 candidat-e-s pour les prime en direct. De quels horizons viennent-ils-elles ?
Il y a de tout : des danseurs de modern-jazz, de contemporain, de salon, de hip hop, d’expérimental…
Ils étaient plus amateurs ou professionnels ?
Je pense qu’il y avait un peu des deux. On a eu des danseurs et danseuses vraiment très pro, et d’autres qui avaient l’air amateur, mais qui avaient un talent et un potentiel pour être pro, sans avoir eu forcément l’expérience de la scène. C’est ça qui est bien.
Qu’est-ce que vous recherchiez comme candidat-e-s ?
Il nous faut des gens prêts à performer tout de suite, dès le départ. Il faut qu’on les aime en 30 secondes. C‘est bien d’être capable de faire ça, c’est ce qui va faire qu’on te remarque dans une audition. Quand on auditionne pour des artistes américains comme Beyoncé, des comédies musicales, on est parmi des milliers de danseurs. Qu’est-ce qui va faire qu’on va remarquer quelqu’un ? Ce n’est pas que le talent. Il y en a plein des gens avec du talent. Il faut qu’il y ait des étincelles.
Le niveau de l’émission aux Etats-Unis est très élevé. Il n’y a pas une très grande différence de qualité avec la France pour ce type de programme ?
D’un point de vue extérieur, le niveau peut avoir l’air moins fort qu'aux Etats-Unis. Mais il y a une différence dans les styles et la performance. J’ai vu des gens en France beaucoup plus créatifs, beaucoup plus expérimentaux, plus occupés de ce qu’ils veulent dire à travers leur art que par leur maîtrise technique. Je ne trouve pas ça moins bon.
Qu’est-ce qui fait qu’on se rappelle d’un danseur ? Parce qu’il a fait 12 pirouettes ou parce qu’il a su nous toucher ? Un danseur qui fait 12 pirouettes, il y en a 10.000. Il faut que la technique soit au service de l’art. Ce ne sont pas forcément les plus techniques dont on se rappelle, même dans le monde du classique, même à l’Opéra de Paris.
Comment ça se passe lors des auditions pour les danseurs de salon ? Ils se présentent en couple ?
Oui, mais nous, on les prend individuellement. Quand un couple se présente, on peut prendre les deux, ou un seul, si on juge qu’il n’y en a qu’un des deux qui a la capacité de se transposer dans d’autres styles.
Il y a eu des danseurs et danseuses classique aux auditions ?
Il y en a eu très peu. Aux Etats-Unis, il y en a eu pas mal, jusqu’aux prime. Les danseurs classique pro, qui ont déjà une carrière, pourquoi ils viendraient prendre le risque de s’entendre dire qu’ils ne sont pas assez bon, qu’ils se démarquent pas, de se planter dans un style de danse qui n’est pas le leur ? C’est normal.
Vous prenez en compte l’aspect physique des candidat-e-s lors des auditions ?
La danse est un art esthétique, physique, mais tous les goûts sont dans la nature. On peut oublier l’esthétique d’un danseur, mais être touché par ce qu’il dégage avec son corps. Il y a des danseurs qui se transforment.
On regarde tout de même l’aspect physique pour des questions pratiques. Si j’ai une fille qui mesure 7 pieds (ndlr : 2 mètres), est-ce que j’ai un gars capable de la porter ? Si j’en ai un, ce n’est pas un problème. Mais si j’ai dix gars qui mesurent 5 pieds 2 (1,50 mètres), c’est malheureux, mais il n'y aucune chance que cela fonctionne. C’est le côté un peu ingrat de la danse.
Vous avez déjà des coups de cœur sur les sélectionné-e-s ?
C’est trop top pour un coup de cœur. Parce que je connais très bien le format, je sais qu’on peut être très surpris par des gens qui ne savent pas vraiment se mettre en valeur. Mais quand on leur donne un cadre, leur dire quoi faire, avec un bon chorégraphe qui arrive à leur trouver une chorégraphie, en allant chercher leur force… On peut être surpris.
J’ai eu quelques coups de cœur face à une personnalité et un talent bien précis, quelque chose que je vois, et ce n’est peut-être pas encore près. Ou alors la forme de talent qu’ils ont n’est pas adaptée au format de l’émission. Ce n’est pas tout le monde qui est fait pour toucher à tout, et c’est normal. C’est bien qu’il y ait des spécialistes, qui font un truc, et personne ne le fait comme eux.
L’émission You Can Dance a comme particularité que le je jury change au cours des semaines. Comment ça se passe ?
Il y a deux jurys. Il y a d’un côté le jury permanent, Kamel Ouali et moi. Les autres membres du jury varient, évoluent chaque semaine. On y trouve des chorégraphes, mais aussi des gens qui sont crédibles par rapport à la danse : des directeurs de casting, des réalisateurs qui travaillent avec la danse…
Les 16 candidat-e-s sélectionné-e-s sont réparti-e-s en couple lors des prime. Ils devront chaque semaine danser deux chorégraphies dans des styles différents et imposés, plus un solo libre. Comment se passe ce travail ?
Ce sont des chorégraphes qui créent les pièces pour le prime. Ils doivent s’adapter aux danseurs. Leur job dans ce show, c’est de mettre en avant le mieux possible un couple de danseurs, et de leur donner une chance de revenir la semaine prochaine. Il faut essayer de trouver une façon pour que ça marche.
Les couples ont combien de temps de travail ?
Les candidats ont exactement 4 heures ½ de répétition avec le chorégraphe. Après, ils ont leur propre temps pour travailler tout seul. Il faut la capacité d’apprendre très rapidement.
A quels styles de danse devront-ils s’essayer ?
Tout ! Ils vont avoir à faire des choses très techniques : du jazz, du moderne, du contemporain, peut-être du néo-classique pour des danseurs qui peuvent le faire. On va aussi toucher au dancehall reggae, au Bollywood ou à la danse de salon dans tous ses formats, les standards et les latines…
Vous pensez vraiment qu’un danseur ou une danseuse peut tout faire ?
Oui ! Un danseur qui connait bien son corps, et qui a un bon rapport œil-corporel, il peut le faire, il peut donner le change. Un danseur de hip hop ou de contemporain peut très bien apprendre une chorégraphie de danse de salon, et donner une performance très satisfaisante, très surprenante. Après, bien sûr, dans une compétition mondiale, le jury va s’en rendra compte. Mais pour un one-shot, ça fonctionne.
Mais vous n’allez pas mettre une fille sur pointes si elle n’en a jamais fait ?
Si on a une fille qui a les capacités de faire des pointes, peut-être qu’on va lui donner la chance de faire une chorégraphie avec, si on a un chorégraphe qui en a envie et qui a l’idée.
C’est aussi la réalité du danseur au quotidien de savoir s’adapter ?
C’est ce qu’on demande de plus en plus dans le milieu du travail en ce moment. Quand on regarde les shows du Cirque du Soleil, les stars du moment, on va trouver du hip hop, de l’acrobatie, du contemporain, du jazz... Ils n’ont pas le budget pour engager des danseurs pour chaque discipline. Ils demandent donc des gens qui peuvent vraiment tout faire.
Comment est l’ambiance lors des prime ?
Il n’y a pas que les téléspectateur-rice-s. Tu performe pour un public devant toi, et il y a un échange très fort avec eux. Quand je dansais dans le show canadiens, les gens criaient tellement forts qu’on n’entendait pas la musique. C’est une ambiance de concert !
Vous allez danser lors des prime ?
Non ! La place est pour les danseurs et danseuses. Il n’y a rien prévu pour l’instant en tout cas.
Comment avez-vous commencé la danse ?
J’ai commencé à danser à Montréal, ma ville natale, à l’âge de 7 ans. J’ai fait un peu de tout, du jazz, du contemporain, du hip hop... Puis je suis allé à Ladmmi (Les ateliers de danse moderne de Montréal), une très bonne formation.
Quand avez-vous voulu devenir danseur professionnel ?
Très tôt, puisque j’ai commencé à travailler à 14 ans. Mon premier contrat était d’ailleurs pour une chanteuse française. Je ne crois pas que ça ait très bien marché en passant (rires).
Quel a été votre parcours professionnel ?
J’ai commencé à beaucoup voyager. Je me suis entraîné à New York, au Ballet Dance Center, à Los Angeles... J’ai commencé à beaucoup travailler au Québec, dans des comédies musicales ou des vidéos pour des artistes locaux. J’étais ainsi sur une production de Starmania, un show sur Joe Dassin… J’ai aussi fait très trucs très commerciaux, comme La Fureur au Québec, et j’ai dansé lors un lancement d’album pour Céline de Dion. Mais j’ai aussi eu des projets plus underground, j’ai travaillé avec les danseurs des Ballets Jazz de Montréal… J’ai fait un peu de tout, à la fois de la scène et de la télévision.
Vous avez participé à la première saison au Canada de So You Think You Can Dance, en 2008. Quand a commencé l’aventure ?
Cette émission est très connue au Québec depuis longtemps, grâce aux shows américains que l’on peut voir. Je n’avais pas forcément envie de le faire. Je n’étais pas intéressé par les concours, je n’aime pas beaucoup la compétition, je déteste la télé-réalité.
Les concours ne vous intéressent pas ?
En Amérique du Nord, il y a un réseau très fort de concours, avec mouvements imposés, plein de choses. Au bout d’un moment, e n’est plus de la danse, ça devient de la gym, une exécution technique. On perd tout sens artistique.
Qu'est-ce qui vous a alors poussé à passer l’audition ?
Je me suis décidé le matin même. Je voulais avoir l’occasion de me tester… Et j’aimais l’opportunité de rencontrer des chorégraphes, d’avoir une expérience en télévision, de travailler avec les caméras, avec une équipe qui sait comment filmer la danse, ce qui est très rare.
La compétition était très présente entre les candidat-e-s ?
En fait, la compétition est entre les gens qui vont voter, qui veulent sauver leurs candidat-e-s préféré-e-s. Entre les danseurs et danseuses, il n’y a pas de compétition. Pour beaucoup, c’est la première fois qu’ils-elles se retrouvent entouré-e-s de gens qui partagent la même passion, avec la même force. C’est un sentiment de communauté formidable, ça créé des liens.
Vous avez retrouvé cette ambiance lors du You Can dance français ?
Oui. Les danseurs et danseuses apprenaient l’un-e de l’autre, ils-elles s’entraidaient. La compétition n’est vraiment pas très présente à leur niveau, il y a vraiment une très bonne ambiance. Ça leur donne une expérience très proche de celle d’une l’audition, sans être dans une compétition.
Revenons à votre parcours en tant que candidat, en 2008. Comment s’est déroulé votre parcours dans l’émission ?
Le premier jour, j’ai fait mon solo, ils ont trouvé que c’était suffisant, alors ils m’ont envoyé à la danse imposée. Puis je suis arrivé dans le Top 20, et j’ai pu participer aux prime. Chaque semaine, je suis resté, j’ai travaillé, et j’ai fini par gagné. C’était une grosse surprise.
Vous ne connaissiez pas votre popularité auprès du public ?
La production nous garde dans l’ignorance absolu de ce qui se passe dans les médias, si on y est populaire ou pas. On était un peu coupé du monde.
C’était une obligation ?
Non. On avait le droit de regarder la télévision, de lire les journaux, mais on n’avait pas le temps ! On avait parfois trois chorégraphies à travailler chaque semaine, plus son solo, plus tous les essayages de costumes, les interviews... Quand on a deux ou trois heures de libre, on essaye de dormir !
Cette victoire a changé beaucoup de choses ?
J’ai gagné 100.000 dollars et une Mercedes… que j’ai revendue, je n’ai pas le permis ! Ça n’a rien changé dans ma vie de danseur au quotidien. Je suis retourné travailler, m’entraîner, chorégraphier. Mais ça a facilité beaucoup de choses, on se fait des contacts pendant les shows, avec les chorégraphes que l’on rencontre, les producteurs… J’ai pu monter ma compagnie. Je l’aurais fait quand même, mais sûrement moins facilement.
C’est quoi votre compagnie ?
C’est une compagnie de chorégraphie, de création artistique, de production, de direction artistique. On intervient à pas mal de niveaux. On est deux. Indépendamment des projets, on va chercher des musiciens, des chorégraphes, des photographes, des producteurs de musique, des artistes ou d‘autres danseurs. On a chorégraphié des comédies musicales, des vidéos ou des films, des shoot de mode, on a créé des concepts d’émission de télévision…
J’ai aussi de nouveau participé à So You Think You Can Dance au Canada. En 2009 et 2010, j’étais chorégraphe sur les prime, avant de faire partie du jury.
Le gagnant ou la gagnante de l’émission française recevra un peu moins : 30.0000 euros, et pas de contrat…
Au Canada non plus il n’y avait pas de contrat à la clé. Ce qui est très bien, un contrat attache les danseurs à la production, ce n’est pas l’idéal.
Que répondez-vous au public traditionnel de la danse, qui regardent ces émission de télévision avec parfois un certain mépris ?
La fissure entre la danse sur scène et à la télévision, ce n’est pas qu’en France. C’est la même chose aux Etats-Unis. Il y a les puristes du milieu qui regardent de haut, et qui disent que ça dénature. A leur façon, ils ont un peu raison. La danse à la télé ne représente pas l’entièreté du monde de la danse, c’est juste une partie.
Il y a de la danse à la télé depuis que la télé existe, il y a de la danse au cinéma, dans des vidéos. Je ne vois pas ce qu’il y a de mal à faire découvrir des danseurs aux gens, à leur monter ce qu’il faut comme travail pour arriver à un résultat, à une performance, de leur apprendre à connaître les termes, les différences entre les disciplines, ce qui fait ce ça s’appelle du contemporain et pas du moderne… C’est de la vulgarisation, mais bien faite. Et ça encourage les jeunes à pratiquer leur passion, à faire ce qu’il faut et travailler pour avoir un niveau élevé. Et ça leur montre qu’il y a de l’espoir. On leur montrant qu’avec la danse, avec de l’art, ils peuvent avoir une reconnaissance.
Quel a été votre dernier coup de cœur artistique en tant que spectateur ?
Raoul de James Thierrée, c’était magnifique ! Ce n’est pas le meilleur danseur du monde, mais il a sa propre formule. Tout le monde dans la salle est retombé en enfance. J’ai vu des vieillards, des gens des Affaires qui n’aiment jamais rien, tout d’un coup avoir les yeux émerveillés. C’est ça la danse, c’est ça l’art, c’est ce que je suis venu faire.
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